On dit souvent que les non-voyants compensent avec d’autres sens ; pour moi, c’est l’audition avant tout. C’est une source d’informations très large. Dans l’amphithéâtre, je sais que le vide est plutôt devant moi, et que derrière il y a des gradins. La distance et la provenance des voix m’indiquent qu’il y a des gens à ma droite, en contrebas, plus ou moins loin. Ça me donne une perception de l’espace qu’aucun autre sens ne peut me fournir. Ensuite le sens tactile me remonte des informations, que ce soit de ma canne, de mes pieds, ou encore de ma peau avec le vent ou la sensation de chaleur procurée par le soleil. Aujourd’hui, avec les premiers rayons, la pierre a tendance à stocker la chaleur et je me sens bien lorsque je m’assois. J’apprécie le théâtre comme un lieu de vie, de partage à l’air libre. Ça me fait penser à un lieu de vacances ; j’entends le cri des enfants, les langues étrangères des touristes, je sens le soleil et le vent… C’est un endroit gai et réjouissant, et le fait de surplomber la ville me procure cette sensation de dominer, ce sentiment d’ouverture face à moi qui est très agréable.